LES INVITÉS /

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Mila Turajlić

© Miguel Bueno

Mila Turajlić est née le 4 juillet 1979 à Belgrade. Elle est une cinéaste, scénariste, productrice et assistante de réalisation serbe. Elle avait initialement souhaité se tourner vers une carrière politique avant de considérer l’activité artistique comme une arme plus subversive et efficace. Dès lors, elle a choisi la voie du cinéma documentaire. Elle a préparé un BA Production filmique et télévisuelle à la Faculté d’art dramatique de sa ville natale, qu’elle a obtenu en qualité de Major de promotion (1998-2002). En parallèle, Mila a complété sa formation à la London School of Economics and Political Science, où elle a obtenu un BSC en Relations politiques et internationales (1998-2003) et un MSC en Média et communication (2003-2004). En 2015, elle a reçu un PhD à l’Université de Westminster.

En 2010, Mila Turajlić s’est vu décerner treize prix pour le film Cinema Komunisto (dont elle fut la scénariste et la réalisatrice), parmi lesquels le Grand prix du jury pour le meilleur film documentaire du Festival international du cinéma d’Alger (2013), le Golden Gate Award Competition du festival international du film de San Francisco (2011) et le Balkan Newcomer award du Dokufest du Kosovo (2011).

La réalisatrice belgradoise est née à l’époque où la Yougoslavie, leader des pays non alignés, occupait une place originale entre l’Est et l’Ouest (en 1989, elle avait dix ans). Elle a vu son pays disparaître dans la guerre civile. Son cinéma tente d’en rétablir la mémoire. C’est l’enjeu de son premier long métrage, Cinema Komunisto. Elle y interroge des acteurs de ce fragment d’histoire, qui furent des témoins directs, parfois dans l’ombre de « grands hommes », à l’image du projectionniste privé de Tito. En 2016, Mila Turajlic a réalisé The other side of everything (L’envers du décor), documentaire sur la désillusion post « révolution démocratique serbe ». Pour ce film, elle a obtenu le Prix du Meilleur projet, successivement, à la FIPA 2012 (accordé par Canal France International) et au Sarajevo Film Festival Docu Rough Cut Boutique (accordé par l’IDFA).

Mila Turajlić a également contribué au lancement du Magnificent 7 Festival of European Feature Documentary Films à Belgrade. Elle enseigne dans diverses écoles depuis 2012, des enseignements sur la production filmique documentaire à l’école DOC in Europe (Bardonecchia, Italie, 2012), l’utilisation des archives dans le documentaire à la FEMIS (Paris, 2013) ; elle a animé le séminaire « Euro in Film » à Novi Sad (Serbie, 2014) et enseigne au Balkan Documentary Center (Sofia, Bulgarie, 2015).

Source

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Les films présentés dans le cadre du Festival :

L’envers du décor
https://www.othersideofeverything.com
http://www.survivance.net/

« Srbijanka Turajilic se souvient de tout, des communistes qui ont fait irruption après la guerre et ont fermé à clé des portes pour diviser l’appartement en quatre foyers pour quatre familles (elle avait deux ans, mais le récit de ses parents est devenu le sien) ; de son père avocat qui lui a conseillé alors qu’elle avait quinze ans de ne pas devenir avocate comme lui, car elle n’aurait jamais la liberté de parole dans ce pays entravé. Elle se souvient de ses années étudiantes, du militantisme en mai 68 et des professeurs qui ne soutenaient pas les élèves, elle se souvient que devenue professeur (en ingénierie électrique) à son tour, elle a soutenu ses propres étudiants, a toujours parlé haut et fort, et s’est fait virer ! Elle se souvient
de la guerre civile, de l’impossibilité soudaine de se déclarer Yougoslave, elle se souvient de Milošević, « qui levait le menton comme Mussolini », de la lutte contre sa politique et de son renversement ; elle se souvient d’une croyance nouvelle en la Démocratie…

Intime et universel, le portrait s’élargit, ouvre des portes et des mondes. En contrepoint du discours limpide de cette femme extraordinaire qui voudrait tant être ordinaire, la réalisatrice monte des images d’archives, rares et parlantes, déchirantes et puissantes, de tous ces moments clés d’un pays et d’un peuple. Et son film, dense et complexe, est d’une lecture simple et passionnante.

Et aujourd’hui… Aujourd’hui, recevant un prix pour son engagement, Srbijanka déclare que si elle s’est battue toute sa vie pour la liberté, alors elle a échoué, car il suffit de regarder le monde autour de nous pour constater qu’il n’est pas libre. Elle parle avec force et clarté de tout ce qui ne va pas. Et cet aplomb, qui lui coûta en son temps son poste de professeur, lui vaut aussi d’être une femme debout. Que rien, jamais, n’a fait plier. »

Source : https://www.bande-a-part.fr/cinema/critique/magazine-cinema-mila-turajilic-lenvers-d-une-histoire/

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Cinema Komunisto
Disponible à la Cinémathèque française à Paris : information ici.
L’édition DVD est disponible à l’adresse : http://www.cinemakomunisto.com/fr/dvd/.

« Quand la Yougoslavie explosa, Mila Turajlic n’avait que 10 ans. Voir mourir son pays natal de son vivant, tout le monde ne peut en dire autant... Que reste-t-il aujourd’hui de cet Etat balayé par l’histoire ? Des films. Des centaines de films dont le metteur en scène, jamais crédité au générique, est passé à la postérité pour ses activités de dictateur : le maréchal Tito, père et maître de la Yougoslavie socialiste de 1943 à sa mort, en 1980. En assemblant, dans un montage virtuose, extraits, archives inédites et entretiens avec les anciens protagonistes du « kino » des Balkans, la documentariste décortique l’édification d’un mythe politique en 35 mm.
Tito le cinéphile, dont le projectionniste personnel assure qu’il a vu environ huit mille films en trente ans, voulait son industrie du film. Créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les studios Avala deviennent donc le coeur d’un système qui fera de la propagande, mais avec un certain talent : films à la gloire des Partisans (les résistants titistes de 39-45) ou, après la rupture avec Staline, prestigieuses coproductions internationales (La Cinquième Offensive, avec Richard Burton dans l’uniforme du maréchal ; La Bataille de la Neretva, avec Yul Brynner et Orson Welles), tous exaltent la légende d’un peuple uni par un socialisme « à visage humain ». C’est le temps où, sur l’île privée du « président à vie », le glamour hollywoodien, alias Elizabeth Taylor, parade au bras du camarade Tito.
Au-delà de ces scènes étonnantes, qui rappellent la place de la Yougoslavie sur l’ancienne (mais pas si lointaine) carte du monde, le film dégage une sourde mélancolie. Car si Mila Turajlic démonte cette Yougoslavie fictive comme d’autres un décor de cinéma, elle se sait elle-même sous le charme. Devant le triste spectacle des studios désertés, des costumes et des pellicules abandonnés, elle ne peut réprimer sa nostalgie. En songeant à Sophia Loren
débarquant, comme au Negresco à Nice, à l’hôtel Metropol de Belgrade. »
— Mathilde Blottière, Télérama

Au sujet du mouvement des non-alignés.