LES INVITÉS /

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Bora Ćosić

© Dirk-Skiba-Fotografie

Bora Ćosić est romancier, essayiste et poète serbe né en 1932 à Zagreb. Il a cinq ans lorsque sa famille s’installe à Belgrade. Après des études en philosophie, il travaille comme rédacteur en chef pour différentes revues et comme traducteur du russe.

Son premier roman, Kuća lopova Maison des voleurs », 1956), jugé dérangeant par le pouvoir étatique, lui vaut une première fois de figurer sur la liste noire des écrivains à ne pas publier. Mais c’est l’adaptation au théâtre de son roman Le rôle de ma famille dans la révolution mondiale (traduit par Mireille Robin, Robert Laffont, 1995), une chronique familiale satirique et féroce critique du socialisme yougoslave, qui lui attire définitivement les foudres du pouvoir – fait qui n’empêche pas le roman de remporter le prix NIN de 1969 et de devenir culte. En 1992, réponse à la dérive autoritaire du régime Milosevic, aiguillonné par son antinationalisme viscéral, il choisit de s’exiler. L’après Belgrade est marqué par un retour en terre natale, à Rovinj, en Croatie. Parmi les livres publiés pendant cette période d’après-guerre, essentiellement des essais, citons Dnevnik apatrida (1993), son « journal d’un sans-abri », qui exprime son sentiment d’être apatride. Installé à Berlin depuis 1995, il publie Nulta zemlja (2002), « le pays zéro », qui vient clouer un autre clou au cercueil de l’ancienne patrie, puis Put na Aljasku (2006), « le voyage en Alaska », qui décrit le voyage entrepris en ex- Yougoslavie en 2005 et dont l’ultime interrogation est comment cette guerre a-t-elle été possible ?

Bora Ćosić a publié en tout une quarantaine de romans, d’essais, de recueils de poèmes et a reçu le Prix du Livre de Leipzig pour la compréhension européenne en 2002 et l’"Albatros" de la Fondation Günter Grass

Par le truchement d’une voix d’enfant, et sa puissance comique, Bora Ćosić fait passer une féroce critique du pouvoir en marche et un portrait humain de la peur. « Le rôle de ma famille dans la révolution mondiale » est en effet le premier roman de Ćosić, paru en 1969, à la faveur du « dégel » yougoslave, il connut un grand succès et reçut le prix Nin, jusqu’à ce que le franc parler passe de mode et que Ćosić soit renvoyé à ses chères études. Ćosić est serbe, né à Zagreb en 1932 (difficile d’être Serbe en Croatie dans ces décennies-là), il vécut longtemps à Belgrade, avant de retourner en Croatie (doit-on dire « émigrer » pour celui qui s’éloigne vers son pays natal), il vit aujourd’hui sur la côte d’Istrie, il y avait naguère un mot pour désigner ce genre d’homme : Yougoslave. Maintenant, au coeur d’une guerre pour lui fratricide, il préfère se dire apatride. — J.B. Harang, Libération